Sprint Final

Le programme est clair, je dois être à Fairbanks le samedi 20 au soir où je retrouverai Allan et Nina qui me ramèneront en voiture jusqu’à Anchorage. Entre temps je veux passer à Valdez, qui a marqué l’histoire du ski freeride dans les années 90. 544 miles et 4700m de dénivelé positif d’après google maps. J’ai 6 jours de vélo et 3 de pause à Valdez. Au milieu de tout ça, il faut aussi que j’écrive mes derniers articles. C’est un programme assez chargé, je serai plus dans l’effort que dans la contemplation. Mais je crois que plus ou moins consciemment, c’est ce que je veux pour ne pas avoir à trop « contempler » le rapprochement de ce départ. L’autre option, ce serait de prendre le ferry de Valdez pour Whittier, et 60 miles de route plus loin, je serais à Anchorage. Mais j’ai « trop de temps’ pour cette dernière option. Je n’aime pas établir un programme en fonction du temps que j’ai à dépenser, j’aime en perdre quand je n’en ai pas et que ça fout en l’air tous mes plans.

Vendredi 12 septembre. Les 60 miles de piste jusqu’à Chitina sont l’obstacle du jour, je veux les passer le plus vite possible. Depuis bientôt deux mois que je roule , j’ai constaté que mon corps compte en temps passé à pédaler et non en miles. « The faster, the shorter » est devenu ma devise. Pour autant, le départ est poussif, avec un premier arrêt gonflage, puis un deuxième déshabillage. La pluie a diminué et il y a une sorte de point d’équilibre pluviométrique autour duquel on oscille entre être plus mouillé par l’intérieur avec une veste imperméable ou plus par l’extérieur sans. Personnellement, je préfère la deuxième option. La journée d’hier avait partiellement séché la piste, mais la pluie du jour l’a de nouveau détrempée et mes roues collent à la boue. Et cette route est autant un faux plat montant au retour qu’à l’aller! A rouler trop lentement, je subis tous les chaos, qui m’empêchent en retour d’aller plus vite. Bref, rien ne va dans ces premiers miles… Mais aidé parle vent, j’arrive enfin « au planning », et là, Frida vole sur la piste. Je parviens à franchir ces premiers 60 miles en 4h. En arrivant à Chitina, comme après tout objectif atteint, j’ai une chute de forme, de motivation et mes genoux commencent à me faire mal. La suite se fait dans la douleur. Ce soir, je veux un abri, de la place pour bouger, m’étirer, m’asseoir. J’en trouve un sous forme de séchoir à saumon en bord de rivière et à côté d’un cabin désertés à cette heure. « No trespassing »… La perspective de me faire réveiller en pleine nuit un gun pointé sur moi aura raison de ma fatigue. J’échoue finalement à Kenny Lake, sur un terrain municipal, avec une sorte de salle des fêtes autour de laquelle ont poussé des stands, l’un d’eux m’accueillera pour la nuit. A quelques mètres de là, il y a un camping et une petite épicerie où je peux faire quelques courses. En revenant, il m’arrive alors peut être l’évènement le plus étrange de mon voyage. Un « truck » s’arrête juste à côté de mon abri. Il n’aura pas fallu longtemps pour qu’on me repère, pensé-je de loin. Mais non, deux adolescentes en descendent et le truck repart. Je comprends qu’elles veulent camper dans le stand à côté du mien. Quand j’arrive, barbu et avec mon look de chien errant, elles s’enfuient. Bien, alors, là, que faire? Laisser deux adolescentes au sourire-appareil-dentaire marcher seules je ne sais où dans ce pays d’ours et de gens pas forcément tous bien attentionnés ou… ou quoi d’ailleurs??? Je retourne au camping voisin pour prendre une douche (incroyable ce que c’est bon une douche!), elles marchent sur la piste cyclable longeant la route sous un ciel qui sera bientôt noir. J’essaie de les convaincre que je ne suis pas un mauvais garçon et que je préfère les savoir à côté de moi plutôt que perdues dans les bois n’importe où. Elles me disent qu’elles vont chez un ami… Vrai ou faux, je ne sais pas, en tout cas, je m’endors en me demandant ce qu’elles sont devenues et ce que j’aurais pu ou dû faire mieux…

Sur le devant d'une épicerie. Tout s'explique 2.

Sur le devant d’une épicerie… Tout s’explique 2.

Camp 58 :

Camp 58 : 61°44’7,86″N/144°56’33,72″W

Relations de voisinage vues par Béatrice

Relations de voisinage vues par Béatrice

 

Samedi 13 septembre. Google maps annonce 94 miles jusqu’à Valdez et presque 1100m de montée jusqu’au Thompson Pass. Je pars avec une réelle incertitude, être à Valdez ce soir ne me paraît vraiment pas gagné. Je suis fatigué et mes muscles sont raides. Le départ est d’autant plus difficile qu’il se fait sur des montagnes russes globalement montantes. Quand je rejoins la Richardson Highway, je tourne de 90° et reçois violemment le vent de face. Les miles suivants sont terribles. Rien de pire que le vent de face pour détruire le mental du cycliste, certaines rafales me stoppent. A chaque tour de pédale, j’abandonne, j’en ai marre, j’arrête, et pourtant, machinalement, un tour de plus suit toujours ma décision. Les montagnes se rapprochent, la vallée et donc la route y changent de direction, seule cette perspective me fait espérer un hypothétique changement du vent. Quand j’y arrive c’est pire… Le vent suit ce sillon entre les montagnes. Puis la vallée se creuse, se rétrécit et je suis enfin quelque peu protégé. C’est turbulent, de face, de côté, de dos, mais j’arrive à avancer. Je fais une pause repas après 35 miles. De façon incompréhensible, j’ai réussi à tenir une moyenne de 10 miles à l’heure. Quand je repars, la pluie m’accueille. D’après les informations tirées de Google maps, j’ai estimé le col entre les miles 40 et 35 (dans ce sens, les  milestones sont décroissantes). Quand j’arrive au mile 40, le paysage qui m’entoure m’indique que j’en suis encore loin. Quelque part, ça me rassure, je sais que psychologiquement (et donc physiquement) je ne craquerai pas jusqu’au col. Plus j’aurai fait de miles jusque là, moins j’en aurai pour rejoindre Valdez. Au mile 35, je suis trempé, il fait plus froid, je roule entouré de restes de glaciers pendus sous les sommets. La vallée s’ouvre à nouveau et les éléments se déchaînent, la pluie à l’horizontal me fouette le visage. Mais maintenant, plus rien ne peut m’arrêter, je sais, que je serai à Valdez ce soir. « Ah oui? On veut jouer au plus malin? C’est ce qu’on va voir!!! » Cette nature me provoque et je lui réponds en laissant s’exprimer l’animal qui est en moi, me lève de ma selle et passe un braquet supérieur. Les voitures m’apercevant a travers leurs essuies-glace en t-shirt dans dans ce paysage glacière m’encouragent. Au final, j’aurai mis 2h30 pour parcourir ces 29 miles de montée. J’imaginais la descente anecdotique, mais la traversée du Keystone Canyon, entre la Lowe River aux flots déchaînés presque noirs et les cascades qui descendent de toute part est impressionnante. Arrivé de nouveau au niveau de la mer, je suis revenu deux, trois semaines en arrière. Les feuilles des arbres tournent tout juste au jaune. Le col est passé, comme je l’avais imaginé, je n’en peux plus, ces derniers miles sont un calvaire. Seul le compte à rebours des milestones me fait encore avancer:  5, 4, 3, 2, 1… et… et je suis encore dans les bois… « Les cons!!! C’est quoi ce bordel??? » Je suis dans le brouillard le plus complet et ne vois rien de ce qui m’entoure et donc ne comprends rien. Je suis machinalement le flot des voitures jusqu’à enfin arriver à une concentration d’habitations me faisant espérer y être enfin. Valdez a été détruite en 1964 en par un tremblement de terre suivi d’un tsunami et a été déplacée de 4 à 5 miles; les milestones, elles, n’ont pas bougé…

Montagnes russes matinales

Montagnes russes matinales

 

Nina m’avait donné l’adresse d’un ami à elle, Ryan, vivant à Valdez. En fais, non, je n’avais que son nom et son accord de me loger. Je devais le retrouver au magasin de ses parents qui est malheureusement déjà fermé ce soir. La nuit approche, je suis en ville et je suis trempé. Si j’ai réussi à me battre dans la montée du Thompson Pass, c’est en grande partie à cause de la perspective d’un endroit sec, d’un lit chaud et d’une douche… Alors, je vais le retrouver, il n’y a pas de plan B. Je remue ciel et terre et finalement, nous arrivons enfin à nous retrouver. Je passe ces trois jours dans sa famille. Son père, Bruce, vit avec Kathy et tous deux sont propriétaires du « Rogue’s Garden, natural food store ». Les soirs, la famille se réunit pour le souper, il y a là Ryan, le fils de Bruce, Susan et Rik, les enfants de Kathy, et Austin, marié à Susan. L’hospitalité de ces gens, leur simplicité et l’atmosphère positive qui règne dans ces réunions me touchent énormément. Comme il pleut tous les jours, ma motivation à reprendre la route vers le Nord diminue fortement. Cependant, le mardi, la veille de mon départ prévu, je sens que je ne suis pas prêt mentalement à ce que Valdez soit la fin de mon voyage, j’ai besoin de rouler encore un peu, d’être seul avec Frida et de planter ma tente là où j’en aurai envie. Mû par cette sensation, je leur annonce que je partirai le lendemain et prépare un repas crêpe pour mon dernier soir passé avec eux. Kathy m’annonce que Doug, un ami à elle, m’accueillera le lendemain soir et me propose de m’amener au Thompson Pass en voiture. Je ne dis pas non, ce sont 30 miles de gagnés et surtout 900m de montée…

Valdez, entouré de cascades

Valdez, entouré de cascades

Sur la plage, à la rescousse d'un saumon

Sur la plage, à la rescousse d’un saumon

Avec Austin

Avec Austin

Soirée crêpes

Soirée crêpes

 

Mercredi 17 septembre. Dernière courses matinales au Rogue’s Garden, Kathy et Bruce m’offrent un picnic pour le midi, ainsi qu’un pain (un vrai pain, parce que jusque là, ça a été plutôt pain de mie) et un fromage de brebis tout droit issu des Pyrénées. Le plaisir que j’aurai à le manger dépasse toutes mes capacités d’expression littéraires! Kathy m’amène au col en voiture, que je retrouve sous les mêmes nuages et la même pluie que lors de mon premier passage. Elle me parait un peu inquiète quand elle me laisse seul sous ce temps. Dans cette descente, je sens que je n’ai plus aucune envie de me battre, plus envie de me lever de ma selle à chaque montée ou chaque fois que je sens que je perds le rythme. J’avais juste besoin de sentir le vent du déplacement sur mon visage, mais pas plus. Je passe cette nuit chez Doug et demain, je fais demi-tour. Je remonterai au Thompson Pass tranquillement, y planterai ma tente une dernière fois, et prendrai le ferry dimanche. Doug a été pendant longtemps un « ski bum » dans les « Lowers 48 ». Il est venu skier une fois en Alaska et n’est jamais redescendu. Une femme et une fille plus tard, il a acheté un terrain et y fait pousser courgettes, haricots, choux, tomates et poulets pendant les trois mois de non-hiver. L’eau vient d’un puis creusé à 70m de profondeur à travers le permafrost. En 2013, il a eu un problème dans le système de chauffage du tuyaux de pompage qui a gelé. De mars à août, il a fait venir de l’eau dans des citernes, l’a faite bouillir et après des mois de combat contre le gel, il a eu de nouveau l’eau courante. Au cours de la soirée, je ne sais d’où cela vient, mais l’envie d’aller plus loin vers le Nord revient, remonte des profondeurs de mon estomac. Alors soit! Je poursuivrai jusqu’où mon corps déjà fatigué me portera. J’ai même droit à mon cabin personnel pour la nuit!

Dernier au revoir à Kathy

Dernier au revoir à Kathy

Lire le paquet de chips... Tout s'expique 3!

Lire le paquet de chips… Tout s’expique 3!

Doug's house

Doug’s house

Chuck!

Chuck! Et Frida…

Camp 63

Camp 63 : 61°50’58,95″N/145°13’23,6″W

 

Jeudi 18 septembre. Si je veux avoir une chance de parvenir à Fairbanks dimanche, il faut que je sois ce soir à Summit Lake. C’est le point le plus haut sur la route, le reste jusqu’à Fairbanks ne sera que descente ou plat. Google Maps annonce 102 miles et 1150m de montée. Fichtre, ce Fairbanks ne se laisse pas gagner comme ça! Départ à 10h20, je n’aurai pas le temps de papillonner, observer, admirer, prendre des photos, il va falloir rouler! Je suis sous les nuages, mais quand la route permet une percée à travers la forêt, l’horizon est dessiné par les sommets l’Alaska Range, baignés par le soleil. Les montagnes paraissent tellement loin, mais c’est bien là qu’il faut que je sois ce soir. A ma pause de « midi », 4h après mon départ, j’ai déjà parcouru 57 miles, passer la moitié avant de manger était psychologiquement important pour une éventuelle réussite de la journée. Plus d’eau en repartant et pas de restaurant de bord de route pour remplir mes bouteilles. Assoiffé, je tends mon bidon à la première voiture qui me double tel le coureur du tour de France. Miracle! Ils a compris le message et s’arrêtent. J’ai même droit à une bouteille de thé froid. A quelques miles de mon objectif, de la Gulkana River qui coule à côté de la route émane une forte odeur de poisson pourri. Il y a là une « alevineuse », et les saumons sont remontés jusqu’à « leur foyer », 200 miles dans les terres (cela dit, il paraît qu’on les retrouve jusqu’au Canada après un parcours de plus de mille miles!). Puis j’arrive enfin à Summit Lake, c’est superbe, je suis seul, toutes les maisons, lodges, etc sont désertées, je m’installe à son extrémité nord, au bord de l’eau. J’ai passé la journée à faire la course avec le front nuageux. Malgré quelques moments fugitifs où j’ai reçu quelques rayons, c’est lui qui a gagné, il fait gris quand j’arrive à ces montagne d’horizon… Il n’empêche, je suis heureux d’être ici pour ce qui sera ma dernière vraie nuit sauvage. Dernière nuit qui pourrait m’apporter… Non, Marc! Ne rêve pas… Il fait gris. Puis  quelques étoiles paraissent entre les nuages, le ciel se dégage un peu et quand je finis mon repas dans l’obscurité, j’aperçois quelques étoiles et une lueur à l’est. Mon coeur s’emballe! La lune qui se lève derrière les montagnes? Non, cette fois c’en est vraiment une, qui vient saluer et récompenser mes efforts de la journée! Ma première aurore, l’émotion est immense, je reçois ce qui reste pour moi le plus beau spectacle de la nature avec une larme à l’oeil. La phrase qui me vient alors est: des voiles de pluie aux gouttes de lumière ondulant sous le vent solaire… Oh! ma chère Alaska, tu m’auras vraiment tout donné…

Couleurs d'Automne

Couleurs d’Automne

Objectif du jour

Objectif du jour

Summit Lake

Summit Lake

Camp 64 :

Camp 64 : 63°9’39,75″N/145°32’13,3″W

Désolé, emporté par l'émotion, impossible de raisonner et de trouver les bons réglages de mon appareils photo

Emporté par l’émotion, impossible de raisonner et de trouver les bons réglages de mon appareils photo

Vendredi 19 septembre. Au réveil, la rosée et la condensation de la nuit ont gelé sur ma tente pour la première fois. L’hiver fait ses premières incursions… Le soleil me nargue comme hier. Il est juste là, enfin, juste un peu plus loin, sur le mon Hayes ou ses petits frères plus proches. Pendant ces 2 jours, j’aurais couru après lui! Quand je commence ma descente, sous la pluie, de ce côté Nord de l’Alaska Range, tous les arbres ont perdu leurs feuilles, j’ai de nouveau changé de saison. Entre le fantasme d’une descente infinie, les 5 miles de différence entre les milestones et Valdez, mon souvenir de 350 miles entre Valdez et Fairbanks (c’est 364 en réalité) et les 12 miles d’erreur des indications de ma carte, je pensais que cette journée ne serait pas trop longue et qu’il me serait facile de prendre de l’avance sur la journée de demain que je voudrais la plus courte possible. Après une vingtaine de miles de descente, ce sont de nouveau des collines et leur lot de montées et descentes successives qui m’accueillent. Puis j’arrive enfin sur des plateaux annexés par l’armée avec des lignes droites à pertes de vue. Il est 16h30 quand j’arrive à Delta Junction, après 70 miles, il en reste encore 97 jusqu’à Fairbanks… La journée facile risque d’être un peu plus longue que prévue si je veux avoir une journée plus courte demain. Comme à Glennallen deux semaines auparavant, je m’offre un intermède musical devant la librairie municipale et son réseau wifi ouvert. Je  profite aussi de la connexion pour chercher le prochain campground… 40 miles d’ici! Bon… Eh bien, c’est parti! J’ai mal aux genoux, mais c’est viable et finalement, ces 40 miles se passent plutôt bien, si ce n’est une petite hypoglycémie dans les dix derniers. J’arrive à Birch Lake Campground à 20h00, après 110 miles. Quand je pense aux étapes que je faisais sur la Dalton, c’est incroyable comme mon corps s’est endurci.

Retrouvailles

Retrouvailles

Samedi 20 septembre. Le réveil est tardif, le départ est difficile, le moral n’y est plus, le genou fait mal, le vent est de face, frida couine et signe du destin, même mon réchaud n’a plus d’essence. J’oublie même de faire la photo du camp. Je n’ai plus envie, ces 57 miles me paraissent bien trop longs, l’idée de faire du stop me traverse l’esprit. La pluie fait son retour. Je m’étonne que les miles ou le temps défilent si lentement. Repoussant minute après minute le moment où je déciderai que j’en aurai vraiment assez et que je déciderait de mettre un terme au mouvement machinal de mes jambes, je rentre peu à peu dans une sorte d’hibernation des sensations et de la pensée. Rouler, rouler le plus vite possible pour finir le plus tôt possible. Il fait moins de 10°C, il pleut et je suis en T-shirt. Je ne me rends compte à quel point j’ai froid quand j’essaie d’ouvrir en vain la fermeture éclair de ma poche pour y réchauffer mes doigts. Impossible de d’attraper le zip entre mes doigts! Je n’ai quasiment aucun souvenir de ces deux heures, sauf le décollage de trois chasseurs au moment où je passerai à côté de la base militaire d’Eielson. Arrivé à North Pole, à 15 miles de Fairbanks, je m’arrête dans le premier restaurant et m’offre un T-Bone steak. Après tout, je l’ai mérité maintenant! Quand je repars, habillé plus sérieusement, je me demande vraiment comment j’ai pu tenir jusque là en T-shirt. Aucun plaisir, aucune perception positive de mon environnement, je suis maintenant sur la bande d’arrêt d’urgence d’une deux fois deux voies. Rouler, rouler toujours et finir enfin. Quand je passe le panneau 10 miles, brusquement, toutes les digues autour de cet état lethargique sautent. Tel celui qui va bientôt mourir, je suis submergé par tous les souvenirs, les émotions, les joies, les découvertes vécues ici. Impossible d’en contrôler le flot. Je suis sur ce bord d’autoroute, seul dans le bruit incessant du trafic et je pleure… Tout ce que j’ai vu, vécu, était tellement beau, tellement fort! Et maintenant, c’est juste banalement fini… Mais contrairement à celui qui va mourir, j’ai encore une vie à vivre… une vie que je ne connais pas. J’étais heureux ici, physiquement heureux. Je sais ce que je quitte, je ne sais pas ce que je vais trouver…

 

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